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Introduction

L’histoire et la mythologie se confondent et s’entremêlent souvent dans l’histoire de la Chine ancienne. Il n’est pas rare de constater dans un récit que certains des faits décrits aient vraiment eu lieu et dans le même temps que certaines aventures deviennent totalement fantastiques à un certain moment de la narration. Il en est de même avec l’origine du thé.

Il me semble, en effet, nécessaire de garder en tête que les faits merveilleux ont aussi lieu d’être, car ils s’ancrent dans la mémoire, comme lorsque, enfant, on écoute des contes incroyables que l’on n’oublie jamais. Souvent, ces légendes sont importantes pour se rappeler les propriétés du thé, sa culture ancienne, son usage parmi les religions du pays du milieu, etc.

Dans la mythologie chinoise, on rencontre les trois augustes 伏羲 - FúXī, 女媧 - NǚWā et 神農 - ShénNóng :

Dans le 神農本草經 - ShénNóng Běncǎo Jīng (le Classique de la matière médicale du Laboureur Céleste), il est rapporté l’usage de ces substances. C’est la matière médicale la plus ancienne qui soit parvenue jusqu’à nous, une fois recompilée et reconstituée sous la 宋朝 - SòngCháo (dynastie Song). Le petit secret est qu’on attribue à cet auguste mythique la consommation de thé. En médecine populaire, on aime raconter que ShénNóng, après avoir consommé une substance, buvait systématiquement du thé vert afin de réduire la possible toxicité de cette substance. On attribue donc la vertu détoxifiante et anti-poison du thé à cette légende populaire depuis bien longtemps. Pourtant, dans le ShénNóng Běncǎo Jīng, le thé n’est jamais cité, ni comme plante médicinale, ni dans l’usage populaire qui lui a été attribué comme anti-toxique. Cet ouvrage reste cependant intéressant pour un autre aspect, car il pose les jalons de la classification des substances médicinales et diététiques dont le thé fait partie.

Dans le prélude du ShénNóng Běncǎo Jīng, il est noté : « Les remèdes médicinaux se divisent en cinq saveurs : acide, salé, doux, amer et âcre. Ils disposent de quatre températures (氣 - ) : froid, chaud, tiède et frais. Ils peuvent être toxiques ou non. Certains devront être séchés, à l’ombre ou au soleil, et récoltés selon des saisons et des mois précis. Certains s’utiliseront crus ou après un processus de transformation, d’autres seront authentiques, d’autres encore transformés, vieux ou jeunes. Pour chacun une méthode particulière s’applique. » Quoi qu’il en soit ce n’est pas dans ce fameux livre que l’on parle du thé de façon médicinale pour la première fois, mais dans l’ouvrage de référence de 李時珍 - Lǐ ShíZhēn (1518-1593), le 本草綱目 - BěnCǎo GāngMù (Compendium général de la matière médicale) et pas forcément en ingestion comme on aurait aimé le penser : « Pour soigner des abcès de type froid, prendre de fine feuille de thé, les faire bouillir avec les feuilles de légumineuses. Ensuite, les faire brûler dans une poêle afin de les réduire en cendre, les mélanger avec de l’huile, déposer la substance sur une feuille faisant la taille de l’abcès, placer sur l’abcès et attacher. »

On parle aussi des effets secondaires du thé : « La consommation excessive de thé agresse la Rate et l’Estomac. « La pilule qui réduit les accumulations » peut être utilisée pour soigner l’accumulation de thé… »

D’autres articles se réfèrent au thé, et, en version anglaise, je recommande le texte de Paul Ulrich Unschuld qui a délivré un travail considérable.

Enfin l’usage du thé, selon ses différents modes préparatoires (綠茶 - LǜChá (thé vert), 白茶 - BáiChá (thé blanc), 黃茶 - HuángChá (thé jaune), 青茶 - QīngChá (thé bleu-vert), 紅茶 - HóngChá (thé rouge), 黑茶 - HēiChá (thé noir) et 普洱生茶 - Pǔ’ěr) s’est naturellement intégré en diététique traditionnelle chinoise en se faisant classer comme les substances de ShénNóng (température, toxicité, indication, orientation parmi les méridiens).

Les effets des différents thés

LǜChá

  1. Harmonise l’Estomac, régule le à contrecourant, arrête les diarrhées
  2. Traite l’humidité
  3. En cas de de l’Estomac déficient, il est recommandé de ne pas consommer de thé vert qui pourrait l’attaquer (comme évoqué dans le bencaogangmu)

QīngChá

  1. Clarifier la chaleur et détoxifie
  2. Promeut la diurèse : utilisé dans les cas d’œdèmes
  3. Clarifie l’esprit

Pǔ’ěr

  1. Favorise la digestion
  2. Régule les mouvements de montée et descente du

Conclusion

Le thé n’est pas à proprement parlé une plante médicinale. Il s’agit plutôt d’un ingrédient de la diététique, dont la consommation ne pourrait pas réguler notre terrain à lui seul en en buvant une seule fois. Les aliments de la diététique produisent les effets escomptés lorsqu’on les prend sur un temps long et fréquemment ou abondamment sur un temps court pour certains. Le thé reste une plante bonne pour la santé, mais trop en consommer restera toujours de l’excès et cela peut endommager la terre en médecine chinoise ou l’estomac. Encore une fois, et comme toute substance sur terre, la modération prime.

L’expérience personnelle étant également une démarche scientifique, et tous les buveurs de vrai thé vous le confirmeront, le thé éclaircit l’esprit, favorise la concentration et augmente la vigilance…

Une des légendes que j’apprécie particulièrement illustrant ces propos et celle de Bodhidharma : après 9 ans de méditation, il s’endormit. Se trouvant si énervé envers lui-même, il arracha ses paupières qui, une fois à déposées à terre, se transformèrent en théier. Grâce à cette plante, il ne s’endormit plus.

Enfin, l’expérience d’un temps autour du thé est particulière, différente de celle du café avec qui on le compare souvent. C’est un temps consacré, un temps ralenti, un temps qui invoque la présence. En buvant du thé, on absorbe l’énergie du lieu où il a poussé. Montagne, rivière, on retrouve parfois ces informations à nouveau dévoilées au sein de notre palais.

Découvrir le thé, c’est se promener dans l’histoire de la Chine par la terre, à travers l’homme et jusqu’au ciel.

Pauline Miranda
Praticienne en médecine chinoise
10 rue de la Méditerranée 34070 Montpellier
https://www.montpellier-acupuncture.fr